Tu poses trop de questions!

“- Mais qu’est-ce que je vais leur dire à tous ces gens-là? Ils vont me poser des questions!

- Faites comme eux! Quand on pose une question à un juif, il répond toujours par une autre question, ça lui donne du temps de réfléchir à la question.

- Ah bon.

- Jacob! Tu me reconnais?

- Et toi tu me reconnais?

- ... Non.

- Eh ba tant mieux!

- Rabbi nous avons mille questions à vous poser!

- Eh ba moi j’en ai 2000.”

Le symposium gréco-romain

Plutarque, Oeuvres Morales, Les Symposiaques, ou les Propos de Table (Ier siècle)

  • Livre premier, Question Première. S'il faut traiter à table des matières philosophiques.

Il est encore des récits qui peuvent avoir lieu dans un repas, et qui, tirés ou de l'histoire ou des événements journaliers, offrent des exemples propres à inspirer le goût de la philosophie, le respect envers les dieux, l'émulation pour les exploits guerriers, la grandeur d'âme, la bienfaisance et l'humanité. Un convive qui sait les faire à propos et sans qu'on puisse y soupçonner du dessein, jette dans les esprits des germes d'instruction, et prévient les maux qui sont la suite ordinaire de l'ivresse. (...) Dans un repas la conversation doit, comme le vin, être commune à tous les convives. Ils seraient privés de cet avantage si on y proposait des questions subtiles, et ils joueraient le rôle de la grue et du renard de la fable d'Esope. (...) De même si des philosophes, au milieu d'un repas, traitent des questions d'une dialectique subtile et épineuse que le commun des convives soit hors d'état de saisir, et que ceux-ci de leur côté se mettent à chanter ou à débiter des propos ridicules et des contes pitoyables, alors la société de la table est sans fruit, et Bacchus est déshonoré.

  • Livre second, Question Première. Quelles sont les questions et les plaisanteries qui, suivant Xénophon, sont agréables ou déplacées dans un repas ?

(...) Je crois que les hommes sont bien aises qu'on leur fasse des questions auxquelles ils puissent facilement répondre, c'est-à-dire sur des choses dont ils aient une grande expérience. Si on les interroge sur ce qu'ils ne savent pas, ou ils sont obligés d'avouer avec honte leur ignorance, et de ne pouvoir satisfaire à ce qu'on leur demande; ou s'ils répondent au hasard et sans assurance, ils se troublent et risquent de tomber dans des méprises ; mais si la réponse leur est facile et qu'elle suppose d'ailleurs de la finesse d'esprit, alors ils en ont un vrai plaisir. (...) Il lui fait plusieurs questions à la fois, et lui fournit l'occasion de parler longtemps. (...)

Socrate, Théétète 155d

"Je vois, mon ami, que Théodore n’a pas mal deviné le caractère de ton esprit ; car c’est la vraie marque d’un philosophe que le sentiment d’étonnement que tu éprouves. La philosophie, en effet, n’a pas d’autre origine (...)"

L'obligation rituelle lors du Seder

I BIBAS CVM EVLOGIA COKP(ARARE)— Boisson et louange ensemble

(כ) כִּֽי־יִשְׁאָלְךָ֥ בִנְךָ֛ מָחָ֖ר לֵאמֹ֑ר מָ֣ה הָעֵדֹ֗ת וְהַֽחֻקִּים֙ וְהַמִּשְׁפָּטִ֔ים אֲשֶׁ֥ר צִוָּ֛ה ה' אֱלֹקֵ֖ינוּ אֶתְכֶֽם׃ (כא) וְאָמַרְתָּ֣ לְבִנְךָ֔ עֲבָדִ֛ים הָיִ֥ינוּ לְפַרְעֹ֖ה בְּמִצְרָ֑יִם וַיּוֹצִיאֵ֧נוּ ה' מִמִּצְרַ֖יִם בְּיָ֥ד חֲזָקָֽה׃

Lorsque vos fils vous demanderont plus tard : « De quel droit l'Eternel notre Dieu vous a-t-il imposé ces ordonnances, ces lois et ces décrets ? », tu lui demanderas : « Nous avons été esclaves du pharaon en Egypte, et l'Eternel nous a tirés de là avec puissance. (...)"

(ד) מָזְגוּ לוֹ כוֹס שֵׁנִי, וְכָאן הַבֵּן שׁוֹאֵל אָבִיו, וְאִם אֵין דַּעַת בַּבֵּן, אָבִיו מְלַמְּדוֹ, מַה נִּשְׁתַּנָּה הַלַּיְלָה הַזֶּה מִכָּל הַלֵּילוֹת,(...)

Ils lui versent un deuxième verre (de vin). Et ici le fils interroge son père. Et si le fils a une compréhension insuffisante (pour pouvoir interroger), son père lui apprends à interroger : Ma nishtana halayla hazé, Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits? (...)

(...) חייב אדם לעסוק בהלכות הפסח כל הלילה אפלו בינו לבין בנו אפלו בינו לבין עצמו אפלו בינו לבין תלמידו

(...) Une personne doit se pencher sur les lois de Pessah toute la nuit, même s'il est seul avec son fils, même s'il est seul, même s'il est seul avec son élève.

גמ׳ ת"ר חכם בנו שואלו ואם אינו חכם אשתו שואלתו ואם לאו הוא שואל לעצמו ואפילו שני תלמידי חכמים שיודעין בהלכות הפסח שואלין זה לזה:

GEMARA: Les Sages ont enseigné: si son fils est sage, il lui demande. S'il n'est pas sage, sa femme lui demande. Et si ce n'est sa femme, il se demande à lui-même. Et même deux érudits qui maîtrisent les lois de Pessah s'interrogent mutuellement.

(יז) כָּל מַחֲלוֹקֶת שֶׁהִיא לְשֵׁם שָׁמַיִם, סוֹפָהּ לְהִתְקַיֵּם. וְשֶׁאֵינָהּ לְשֵׁם שָׁמַיִם, אֵין סוֹפָהּ לְהִתְקַיֵּם. אֵיזוֹ הִיא מַחֲלוֹקֶת שֶׁהִיא לְשֵׁם שָׁמַיִם, זוֹ מַחֲלוֹקֶת הִלֵּל וְשַׁמַּאי. וְשֶׁאֵינָהּ לְשֵׁם שָׁמַיִם, זוֹ מַחֲלוֹקֶת קֹרַח וְכָל עֲדָתוֹ:

Tout débat mené au nom du Ciel, son destin est de perdurer. Et si elle n'est pas au nom du Ciel, son débat n'est pas de perdurer. Quel est le débat au nom du Ciel (par excellence)? C'est le débat de Hillel et Shamai. Et quel est celui pas au nom du Ciel (par excellence)? C'est le débat de Korach et son assemblée.

Jouer avec le feu

Shulem Deen au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, décembre 2017

Je crois que c'est une misconception que de penser que le judaïsme encourage les questions. Je pense qu'il y a certains courants dans le judaïsme contemporain qui encouragent les questions. Mais je ne crois que ce soit universel ou que ça l'ait été depuis 2000 ans dans le judaïsme normatif. Le Talmud dit qu'il y a des questions qui ne peuvent jamais être posées: ce qui est en haut, ce qui est en bas, ce qui est devant, ce qui est derrière. Quiconque pose ces questions, mieux eut-il valu qu'il ne fut pas venu au monde.

Donc il y a une très forte base dans la tradition normative pour que certaines questions ne soient pas posées. Dans le communauté orthodoxe, des questions sur les principes fondamentaux du judaïsme sont certainement hors limites. Donc il y a des courants où les questions sont encouragées mais dans le monde orthodoxe, interroger les principes n'est pas recevable. On peut poser des questions sur les spécificités de la loi juive, les particularités du mode de vie - mais pas sur les principes, ce serait vécu comme une menace.

כָּל הַמִּסְתַּכֵּל בְּאַרְבָּעָה דְּבָרִים, רָאוּי לוֹ כְּאִלּוּ לֹא בָּא לָעוֹלָם, מַה לְּמַעְלָה, מַה לְּמַטָּה, מַה לְּפָנִים, וּמַה לְּאָחוֹר. (...)

(...) Quiconque contemple 4 choses, mieux eut-il valu qu'il ne fut pas venu au monde : ce qui est au-dessus, ce qui est au-dessous, ce qui est avant, ce qui est après.

נדנדה, חיים נחמן ביאליק

נד, נד, נד, נד,
רד, עלה, עלה ורד!

מה למעלה? מה למטה?
רק אני, אני ואתה.

La balançoire, Haim Nahman Bialik (20e siècle)

Nad, ned, nad, ned

Descends, monte, monte et descends!

Qu'y a-t-il au dessus? Qu'y a-t-il en dessous?

Juste moi, moi et toi. (...)

בְּכָל דּוֹר וָדוֹר חַיָּב אָדָם לִרְאוֹת אֶת עַצְמוֹ כְאִלּוּ הוּא יָצָא מִמִּצְרַיִם

A chaque génération, une personne doit se considérer comme étant elle-même sortie d'Egypte